En France, la création du vin bleu Corse n'a pas été de toute paix. Bien que beaucoup aient pu l'apprécier, la terminologie a sérieusement agité le vignoble insulaire par rapport à son caractère naturel ou non. Tenant son origine du projet Gïk Live en Espagne, ce vin a vite été un phénomène international. Ce produit disruptif dans un univers très codifié est un symbole de créativité et de liberté. La composition n'est pas secrète : cépages blancs, peaux de raisins rouges et parfois des algues. Découvrez ici les différentes conclusions de la commission scientifique organisée autour du vin bleu Milanini.
Comment est fabriqué le vin bleu corse ?
Pour les frères Milanini, fabricants reconnus des vins bleus Imajyne, ce sont les raisins Vermentino du domaine Pozzo di mastri du Sud qui sont utilisés. Après la récolte, ils sont vendangés jusqu'à l'extraction du moût. Les grappes de raisins font l'objet d'un rinçage à l'eau de mer. Ensuite, les grains sont macérés avec des algues pendant un bon moment. La boisson est enfin conditionnée dans des bouteilles au fond d'une grotte naturellement fraîche et à l'abri de la lumière. La couleur bleue, disent les fabricants, arrive naturellement. Mais on ajoute enfin, un additif sous forme de sel minéral – E131 – pour la stabiliser.
Pour la fabrication classique, voici les étapes :
- Utilisation des cépages, tels que le Vermentinu ou Rolle pour le blanc et le Sciaccarellu ou le Niellucciu pour le rouge, surtout les peaux des raisins. Ces raisins offrent une base aromatique légère et florale.
- Vient ensuite la vinification classique et traditionnelle : pressurage des raisins, fermentation à température contrôlée, stabilisation. À ce stade, le vin est encore incolore ou rosé pâle
- Ajout de pigments naturels avec de l'anthocyane qui n'est rien d'autre que le pigment extrait naturellement de la peau de raisins rouges. Ensuite, du phycocyanine, du pigment bleu naturel issu de la spiruline qui est une micro-algue.
Quelle est la polémique qui touche le vin bleu Corse ?
Bien qu'il soit largement utilisé comme apéritif sur les tables estivales, le vin Imajyne fait l'objet d'une grosse polémique contre laquelle Sylvain milanini et consorts ont du mal à se découdre. En effet, une étude effectuée au département de biochimie de Toulouse a démontré que le vin bleu n'est pas dérivé d'un processus de vinification inédit comme le prétendent les fabricants. Autrement dit, il n'y aurait jamais eu de coloration bleue naturelle. Cette coloration serait uniquement le fruit d'un colorant chimique. La polémique a même conduit à des poursuites judiciaires enclenchées par le procureur d'Ajaccio contre les producteurs.
Le vin bleu n'est pas reconnu comme un "vin" au sens réglementaire, car il est modifié après vinification et il sort donc du cadre des AOC/AOP et des règles européennes sur la vinification. En conséquence, il ne peut pas porter la mention "vin" sur son étiquette en France. Il doit légalement être présenté comme une "boisson aromatisée à base de vin".
La controverse a été très vive en Corse et les défenseurs de l'AOC de la région étaient inquiets. Les accusations tournaient autour du marketing abusif en évoquant que la marque vise sur l'esthétique et le buzz plutôt que sur la qualité oenologique.
Qu'a pu révéler l'étude biochimique sur le vin milanini ?
Pendant qu'on pouvait lire sur le site officiel de Imajyne, les qualificatifs comme vin bleu "sans additifs" ou "100 % naturel", "Entre minéraux naturels, herbes et algues", c'est finalement une enquête qui a été lancée par les autorités corses contre le produit. Sur quelle base ? Une analyse biochimique selon laquelle les vins milanini n'auraient jamais été 100 % naturels. Une spectrométrie de masse à haute résolution a révélé des preuves de la présence d'un additif alimentaire bleu brillant FCF – E133 –, dont résulte la coloration bleue. D'après le même rapport, les niveaux de l'additif dans la boisson sont inhabituellement élevés. Les études suggèrent d'ailleurs qu'il serait difficile pour des viticulteurs, d'obtenir une couleur bleue attrayante, à l'image de ce qui est commercialisé, sans employer une teinture alimentaire commerciale. Cet acte frauduleux est qualifié en droit français de "pratiques commerciales trompeuses". La France interdit l'utilisation d'additifs dans le processus de fabrication des vins. Même lorsque les additifs du vin rouge corse sont propres à la consommation humaine. Selon la réglementation en vigueur, le produit qui découle d'une fabrication avec colorant n'a pas à être appelé VIN. À noter que le délit d'ajout d'additifs dans un vin est passible d'une peine maximale de 2 ans de prison et d'une amende de 375 000 €. La marque se vendait à 35 € la bouteille.
Qu'est devenu le pseudo vin bleu de mer imajyne ?
Pour se défendre face aux accusations, les propriétaires de ce vin ont répondue que leur but est de proposer une innovation, pas de concurrencer les vins d'appellation. Que le produit est légal et conforme, tant qu'il est bien étiqueté comme boisson aromatisée et qu'ils souhaitent attirer une clientèle nouvelle, plus jeune ou touristique, sans renier la qualité.
Si vous l'avez déjà consommé à maintes reprises, la DGCCRF vous rassure : ce n'est pas parce que le fameux vin sylvain milanini est un faux, qu'il est impropre à la consommation. Les vignerons ont répondu aux allégations en fustigeant le traitement dont la marque a fait l'objet, au motif qu'ils ne sont pas obligés de divulguer entièrement le processus de fabrication de leur vin bleuâtre naturel. Après un avertissement des autorités administratives, Pozzo du Master a changé le nom de son chef-d'œuvre en "cocktail aromatisé". Était-ce suffisant ? Négatif ! Les autorités revenaient à la charge en affirmant que la nouvelle appellation est encore trompeuse. Car, employer "cocktail aromatisé" suppose qu'il contient un arôme supplémentaire. Ce qui n'est pas le cas.
Est-ce impossible d'avoir du vin bleu sans additifs ?
Il est vrai qu'il existe des pigments dans la pulpe de peau du raisin : ce sont des dérivés d'anthocyanes. Ils sont rouges en milieu acide, – pH bas –, et ne virent au bleu qu'avec un pH supérieur à 7. Ce qui ne risque pas d'arriver, dans la mesure où la plupart des vins ont un pH compris entre 3 et 4. En conclusion, le vin milanini est scientifiquement inconcevable, tout comme le Vindigo. Les produits obtenus de la vinification ne peuvent donner que du vin blanc corse, rouge ou rosé. Une substance alcoolisée bleuâtre est nécessairement l'œuvre d'un colorant.
Définition et classification du vin bleu
Le vin bleu est une boisson à base de vin qui se distingue par sa couleur bleue vive. Il n'entre pas dans les classifications classiques des appellations viticoles, car il subit une modification après fermentation. Il s'agit donc d'un produit hybride souvent destiné à une clientèle jeune ou touristique.
Réglementation Européenne sur le vin
La réglementation viticole européenne est très stricte quant à la définition du vin. Selon l'Union européenne, un vin est une boisson exclusivement issue de la fermentation alcoolique du raisin ou du moût de raisin, sans ajout de colorants, arômes ou substances externes après cette fermentation. Par conséquent, le vin bleu ne peut donc pas être commercialisé légalement sous l'appellation "vin", mais doit être classé sous des catégories alternatives, comme "Boisson aromatisée à base de vin" ou "Boisson à base de vin".
Marketing et Terminologie du vin bleu de Corse
Le vin bleu de Corse s'appuie fortement sur le marketing visuel et territorial pour séduire une clientèle nouvelle. Sa couleur évoque immédiatement la mer Méditerranée, et son étiquette peut rappeler l'imagerie Corse. Toutefois, cette stratégie soulève des questions éthiques et juridiques.
Le vin bleu de Corse incarne une nouvelle facette de la viticulture : audacieuse, esthétique et en rupture avec les codes traditionnels. Cependant, cette originalité soulève des questions réglementaires, identitaires et éthiques et le vin bleu ne peut être officiellement reconnu comme un "vin" au sens juridique du terme. Ainsi, il se situe à la croisée des chemins entre modernité et tradition, entre créativité commerciale et respect du patrimoine.
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